Caressant des ravins abrupts, des oasis d’abricotiers et des déserts de rocailles, elles déroulent leurs rubans d’asphalte sur le toit du monde. Praticables durant la saison furtive de l’été, les routes carrossables du Ladakh, un ancien royaume bouddhiste niché l’Himalaya indien, sont les plus hautes de la planète. Chevauchant les légendaires Royal Enfield, les motards s’en donnent à cœur à joie pour épouser les courbes de ces routes improbables.
Défiant l’imaginaire, elles montent en lacets vertigineux jusqu’à des cols que les voyageurs atteignent non sans fierté. Au cœur d’un paysage lunaire et grandiose, des guirlandes colorées de drapeaux de prières bouddhistes claquent dans le vent et célèbrent la prouesse: le col de Khardungla, à 5359 m, ou celui de Taglangla à 5328 m. Le souffle court et les jambes flageolantes, les voyageurs prennent à la va-vite des photos-trophées. Puis, file ondulante au rythme des virages, les motos redescendent dans les vallées paisibles où la vie reprend ses droits.
Gardés par des nomades, des troupeaux de yaks et de chèvres pashmina apparaissent sur les flancs des montagnes. Plus loin encore, aux confins de la vallée de la Nubra encastrée entre la Chine et le Pakistan, les nonchalants chameaux de Bactriane ne bougeront pas un cil au passage des bikers. L’équipée des Royal Enfield glisse au creux des montagnes et longe une large rivière aux eaux claires, dépassant les monastères au crépi blanc accrochés aux falaises.
A l’orée d’un village, l’accompagnateur de
voyages moto en Himalaya arrête sa moto pour marquer une pause. Les bikers qui le suivent se rangent à ses côtés, ainsi que la voiture d’assistance avec Raju, le mécanicien. Les casques enlevés, le groupe se détend. Etourdis par ces paysages de l’extrême et par les sensations fortes, les visages sont figés dans d’intenses sourires. Passionnés de moto, ils forment un petit groupe issu d’horizons différents. Mais pour tous, ce voyage incarne la culture moto : l’évasion et l’aventure.
Ils ne se connaissaient pas avant de partir mais, au fil des jours et des peaux qui se tannent, le plaisir du voyage est fédérateur. De la vallée de Sham à la Nubra, en passant par le lac de Tsomoriri, le rythme de l’équipée des bikers s’harmonise. Vitesse de route, visites des monastères ou bière du soir, ils prennent leurs marques. L’air vivifiant des montagnes enhardit les plus téméraires qui vont jusqu’à défier les eaux glaciales du lac, se baignant à 4500 m d’altitude.
« Allez, on repart ? » lance, la pause terminée, le guide de Vintage Rides à ses motards.
« On va avoir quelques kilomètres de pistes et de caillasses ! »
A de telles altitudes, l’entretien des routes est en effet un travail de Sisyphe et le bitume abdique parfois face aux rudes assauts de la nature. Cependant, en raison des frontières stratégiques du Ladakh avec la Chine et le Pakistan, leur entretien est une priorité pour l’armée indienne. Dès les premiers rayons du soleil d’été, des ouvriers colmatent et consolident ces routes, dans des conditions extrêmes. Sous l’autorité de la très efficace BRO, la Border Road Organisation, ces petites mains maintiennent sur le toit du monde un réseau routier exceptionnel.
« Chéri je t’aime, mais vas-y en douceur », recommandent aux usagers les panneaux de signalisation de la BRO, sensible elle aussi à la séduction grisante de ces routes qui touchent le ciel. Au grès des virages en boucles infinies, d’autres panneaux prodiguent leurs conseils : « Sens mes courbes, ne les teste pas », ou « ne t’endors pas ou ta famille pleurera », ou encore « Conduis, ne t’envole pas »… Ces panneaux sont devenus si célèbres que les meilleurs d’entre eux ont été réunis dans un ouvrage.
Sur les terrains du Ladakh, la Royal Enfield trouve sa raison d’être. Cette monture de légende incarne l’aventure et le style. Fondée en 1890 en Angleterre, Royal Enfield a lancé en 1949 la Bullet 350, dont l’Inde a équipé son armée en ouvrant une usine de production locale. La firme Enfield-India Limited a persévéré alors que l’usine britannique disparaissait en 1970. En Inde, la « Bullet » est passée en 500 cm3 et a adopté quelques améliorations, mais elle reste la plus ancienne moto au monde encore en production. Et sa ligne au charme rétro n’a pas changé. Elle plait même aux rideuses !
La Bullet incarne une philosophie de voyage et un certain regard sur le monde. Dans les clubs Enfield de l’Inde, la devise est simple :
« Ride to live », « Conduire pour vivre ».
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Vanessa Dougnac / Vintage Rides
Crédits photos : Hichem Azzouz - Myriam Lacour - Cord Meier Klodt - Thierry Barjou